Plus facile de parler des plages de sable fin que de parler des Hommes, de leur Histoire, souvent si douloureuse en ce que l'Homme s'acharne plus à asservir son prochain plutôt que de le servir...
Page bouleversante que la découverte de l'histoire de cette île du milieu du monde, dont les droits fondamentaux n'ont pas été plus préservés qu'ailleurs face à la suprématie des intérêts économiques...
Et quelle claque que d'assister à la renaissance de ce peuple sur ces terres à l'histoire si marquée.
Lire la suite...
La Roça, c'est quoi ?
Au début du XIXe siècle, les portugais ont exploité le cacao de l'île jusqu'à en être le premier producteur mondial. L'abolition de l'esclavage en 1875 a privé ces derniers d'une main d'oeuvre servile. Qu'à cela ne tienne, ils font font alors venir de leurs colonies (Angola, Mozambique, Cap Vert), une main d'oeuvre sous contrat, les contratadores.
Ces hommes sont accueillis dans des Roças, gigantesques exploitations où des centaines d'hommes vivent et travaillent dans des conditions qui ne diffèrent pas de celle de l'esclavage officiel d'antan. Ces contratadores sont tenus de payer le gîte et le couvert. Endettés, ils ne peuvent quitter légalement la Roça et se trouvent assujettis à cette terre et à leur maître.
Les images de travailleurs sont éprouvantes. La cloche et l'appel du matin nous rappellent à de mauvais souvenirs, ailleurs...
A la fin du XIXe siècle, un industriel anglais s'émeut de la situation de ces esclaves modernes et décide le boycottt du cacao santoméen.
En 1906, un livre est publié par un certain Henri William Nevinson, sous le nom de "Modern Slavery".
Alors comble du progrès, sous la pression, les roças se modernisent ! Des hôpitaux tonitruants prennent place au coeur des roças, des chapelles sont construites, prions pauvres âmes...mais ne changeons rien.
1953, des "esclaves" se révoltent ; la répression sera féroce. Exécutions, torture...
Enfin, l'indépendance du pays en 1975 mettra fin à toutes ces années de servitude.
Beaucoup d'émotion toujours à la découverte de ce passé riche en souffrances. On ne s'habitue pas à la facilité qu'ont les hommes à faire fi de la morale. Mais notre plus grand étonnement n'a curieusement pas été celui de l'Histoire mais plutôt celui de la renaissance des hommes. 80 % des habitants de l'île sont des descendants d'esclaves. "Ils ont oublié, c'est fini", nous dit Wilson.
Aujourd'hui...
Les hommes occupent toujours ces roças. Les cacaoyers sont toujours là, autour. Les hommes passent mais les paysages sont fidèles... Des hommes, des enfants, libres, livrés à cette liberté... Dans ces roças, aujourd'hui, des écoles et une vie qui semble s'organiser autour de la vie quotidienne.
Dans la roça "Agostinho Neto", des femmes dans les nombreux lavoirs, font la lessive. Du linge pend à perte de vue, séchant au soleil. Un enfant vient m'offrir un bout de bambou, signe de bienvenue. Les rails traversant le paysage rappelle la faste période du début du siècle dernier... Les bâtiments sont décrépis, en ruines parfois mais ils sont occupés.
Au centre de l'île, la gigantesque roça "Monte cafe" nous est contée par un vieux monsieur, fils d'esclave et né lui aussi dans la roça. La visite des bâtiments nous émeut autant que les explications du vieil homme qui veut nous dire, nous raconter. Il en est fier de ces bâtiments, de cette machine qui a succédé au râteau pour étaler le grain, ... La cloche...Elle sonnait 3 fois : l'appel du matin qui signale le début des travaux, la fin de la journée de travail et l'heure du coucher obligatoire. Le vieil homme nous précise que les "esclaves" étaient battus s'ils ne dormaient pas à l'heure exigée...Nos enfants écarquillent les yeux.
Et toujours ce souffle de vie qui semble supplanter la rancoeur. Une foule de bambins sort de l'école maternelle, anciennement hôpital. C'est le carnaval ! Les enfants chantent et défilent dans la roça. Delphine et moi découvrons avec stupeur que "l'araignée Gypsy" existe en version africaine ! mes collègues de maternelle sauront de quoi je parle... Alors, nous voilà toutes les deux à chanter à cette foule de bambins la version française de cette "araignée Gypsy" ! Grand moment de ridiculisation en public mais tant pis, le partage prend le dessus !
Grand moment de partage aussi lorsque je m'éclipse seule de la dégustation de café, pour pénétrer clandestinement l'école primaire...Je traverse le couloir ; des petits loups entrent et sortent à leur guise. Je passe discrètement pour capter quelques images d'enfants ... L'un d'entre eux m'interpelle dans le couloir et m'entraîne dans sa classe, s'adresse au professeur pour signaler ma présence. Me voilà accueillie bras ouverts dans une langue que je ne comprends pas. Je précise, soucieuse de légitimer mon intrusion, que moi aussi, mon métier, c'est les enfants. Je crois qu'à ce moment là, mes yeux parlent d'eux-mêmes tant je suis émue de cette scène improbable au goût d'inattendu. Ces enfants, en blouse, accrochés à leurs pupitres, partageant parfois un cahier, un manuel, au coeur d'une roça délabrée...
Les européens que nous sommes, bouleversés de cette histoire, avons été tentés par le sentiment de frustration à la sortie de la roça. Car la visite, si émouvante soit-elle, demeurait simple et sommaire... Nous, si habitués au travail de mémoire, serions tentés de construire un musée, d'y associer des images, des photos, des explications. Il faut que cela soit su. Il faut que cela soit dit, montré,...à nous tous...
Et puis, un peu de recul sur soi, un peu de distance avec cet européen que nous sommes et nous prenons acte de cette chance d'avoir pu observer ces hommes, pétris de leur histoire si proche, qui s'approprient ces lieux, sans arrière-pensée. Parce qu'ils sont là, ces bâtiments et qu'ils doivent servir, encore...malgré tout. Parce que de choix, il n'y en pas, alors il faut bien avancer et prendre le meilleur.
Le devoir de mémoire, à nous de le faire. Ce serait trop facile après tout. Nous avons eu tous les éléments en main pour faire ce travail...plus que ça encore car il nous a été donné de pénétrer dans la vie de ces hommes, de nous imprégner de cette renaissance, "dans son jus", sans artifice touristique. Juste nos yeux, notre regard, notre coeur, et à l'heure où je pose ces mots, quelques larmes, témoins d'une rencontre d'un autre genre, qui nous chahutent toujours un peu plus, nous, européens... et qui ancrent encore davantage ce besoin de nous émerveiller devant l'autre, si différent, si riche, si enclin à nous apprendre... Oserais-je dire merci... Magali
quelques photos
Merci Magali pour ton partage si touchant qu'il rejoint profondément mon cœur. Merci de nous éviter de nous endormir sur notre confort européen qui pourrait trahir l'Homme et la réalité de son histoire.Je t'embrasse bien fort.
RépondreSupprimerCécile
Coucou les griffons d'or...toujours aussi aventuriers! La campagne cauchoise pense bien à vous...avec quelques pincements au coeur car l'éloignement se fait ressentir...VOUS ALLEZ BIEN et c'est bien l'essentiel
RépondreSupprimerOn vous embrasse très fort et nous suivons avec intérêt les récits de Mag.
Pleins de pensées.Duche et Delph
Coucou les griffons d'or...toujours aussi aventuriers! La campagne cauchoise pense bien à vous...avec quelques pincements au coeur car l'éloignement se fait ressentir...VOUS ALLEZ BIEN et c'est bien l'essentiel
RépondreSupprimerOn vous embrasse très fort et nous suivons avec intérêt les récits de Mag.
Pleins de pensées.Duche et Delph
Coucou les griffons d'or, la campagne cauchoise pense bien fort à vous...toujours aussi aventuriers, nous vous suivons à distance avec un petit pincement au coeur tant l'éloignement se fait sentir.VOUS ALLEZ BIEN et c'est bien l'essentiel.Nous pensons fort à vous.On vous embrasse et vous souhaite tout le bonheur du monde.A très vite.Duche et Delph.
RépondreSupprimerEh oui encore nous,nous sommes en vacances...et le temps de se poser...ce qui nous permet de prendre le temps de penser aux amis...
RépondreSupprimerBon anniversaire Mag...!DES BIG BISOUS A VOUS TOUS
RépondreSupprimerDuche et Delph